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La lecture de Françoise Héritier nous amène au lieu de la science comme elle le dit elle-même, c’est à dire selon Lacan dans un système de pensée paranoïaque, binaire, juste, qui fonctionne bien mais a ses limites. Ses propos sont fondamentaux et non contestables. Nous pensons comme un ordinateur « identique et différent » c’est certain. Mais, et c’est là le lieu de la psychanalyse, il y a une troisième dimension nécessaire à la pensée humaine. L’ordinateur pense « à plat » et quand bien même rien n’est faux dans ses résultats, quand bien même il peut rivaliser voire dominer l’esprit humain sur une partie d’échecs qui nécessite une intelligence mathématique, scientifique, il ne pourra jamais créer de la poésie, interpréter avec art une musique, accéder à la sensibilité ni à la sublimation. Nous pensons, nous sujets « névrotiques », en trois dimensions. Il y a la différence entre deux éléments et la référence à un troisième. Toujours. Condition sine qua non de l’humanité. Une patiente psychotique, sortant de son enfer, me dit un jour: « maintenant les mots sont en trois dimensions; ils se sont soulevés, ils ont du relief. » Avant, pour elle, les mots étaient ceux d’un code, ceux d’un ordinateur. Le sien fonctionnait très bien, elle pouvait être excellente en maths et avait commencé des études d’ingénieur. Mais aucun mot n’était vivant, aucun mot n’entrait en résonance avec un autre, aucun mot n’était porteur d’une charge émotionnelle. Pour cela il est nécessaire qu’entre en jeu un troisième signifiant. Il y a deux sexes et il y a le phallus.Le phallus n’est pas le sexe masculin, surtout pas, sinon nous serions dans la pensée binaire, le phallus est le troisième signifiant qui symbolise les deux sexes réunis en un seul. Cette référence est fonctionnelle pour les hommes comme pour les femmes. Le sexe masculin a toujours essayé de se l’accaparer, le sexe féminin étant plus ou moins dupe du trucage mais si nous pouvons encore penser c’est parce qu’il est impossible de faire une OPA sur le Phallus! Il érige non pas le pénis mais les mots dans leur troisième dimension. Nous ne pouvons penser le féminin comme seulement le non-masculin. Le féminin est « le » différent du masculin, en référence au phallus nécessairement.
Lorsqu’un couple désire créer un enfant, un tiers, il met en œuvre le phallus: il en appelle à son inscription dans la chaîne généalogique diachronique et dans sa famille actuelle synchronique, voici pour les deux dimensions; la troisième est donnée par l’inscription symbolique dans l’ensemble de l’Humanité. Quand cette dimension symbolique n’est pas donnée à l’enfant, il n’est qu’une chair imaginaire et ne peut guère que devenir psychotique ou pervers.