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« La jouissance éprouvé dans l’accouchement vient de là où l’incommensurable est éprouvé. Elle met en jeu non seulement les orifices et les objets (surtout la voix), mais elle a lieu aussi là où aucun trou du corps ne peut plus faire bord: nulle bordure anatomique ne peut inscrire pour la mère la perte de l’enfant et du placenta.
De la jouissance vient à la place de l’écart ouvert entre l’Imaginaire et le Réel. Elle ne résout pas cet écart. Mais, parce que la jouissance elle-même est de l’ordre de l’infini, elle « contient » l’incommensurable et lui donne corps. Ce n’est plus la mère qui jouit. Ça jouit de là où on ne peut être qu’absent.
Quand elle se perd comme substance « jouissante » qui excède, tout en les contenant, les bords du corps et ses objets, quand elle se quitte, saisie par l’Infini de l’Autre, « pas-toute », à ce moment une femme devient mère symbolique. Car la substance jouissante à laquelle elle donne corps, parce qu’elle excède toute opération symbolique de castration, enveloppe celles à venir pour l’enfant. Les fragments qui tomberont des chaînes de signifiants –les objets petit a– répéteront toujours ailleurs, toujours autrement, la « première » perte réelle de vie, parce que , du côté de la mère, une jouissance subsiste au décompte de ces objets.
On connaît le récit de Hofmannsthal, intitulé « La femme sans Ombre » et la vérité qu’il postule: la femme qui est dépourvue d’Ombre, parce que sa mère ne la lui a pas donnée, ne peut enfanter. Cette Ombre, qu’est-ce, sinon, en deçà de toute ombre détachée, par conséquent visible, l’Ombre absolue: cette substance féminine de jouissance qui fait étoffe à l’Autre, l’enveloppe et le développe à l’infini? Double qui loin de figurer le placenta, au contraire donne consistance à sa perte. Il est vrai: une femme ne peut devenir mère sans laisser au-dehors d’elle l’Ombre, qui, donnant corps, sans rien en dire, au Réel dont l’enfant participe, à sa place, contient la chose.
Dans l’Ombre où une femme se perd, il y a sa propre mère, aussi « absente » et réelle-comme telle. A l’instant de l’accouchement, la mère réelle est rencontrée.
On est là de mère en fille, transportées et perdues, dans l’Ombre.