Delphine Horvilleur dans son livre « En tenue d’Ève. Féminin, pudeur et judaïsme » raconte et commente, dans son savoir de rabbin et de femme, les différentes versions de la création de la femme dans la Genèse.
« L’une de ses légendes fait appel à un personnage féminin premier, sorte de proto- Ève. » (..) elle aurait été créée en même temps que l’homme, éclairant ainsi le verset: « mâle et femelle ils furent créés » (..) Dans la littérature rabbinique, cette femme porte le nom de Lilith, personnage mystérieux que l’on trouve déjà mentionné dans les mythologies mésopotamienne et cananéenne et qu’on associe dans toutes ces cultures à une puissance démoniaque et maléfique, menaçant les hommes et leurs foyers.Pourquoi une telle réputation? Comment comprendre cette répudiation originelle? Une légende rabbinique des premiers siècles raconte l’épisode surprenant qui valut à Lilith d’être expulsée de la Genèse et de ne demeurer aux côtés d’Adam ni dans le texte ni dans le jardin. Ces récits font d’elle une « féministe » revendicatrice avant l’heure. Son divorce avec Adam et sa sortie de la Genèse seraient dus à une étrange dispute du couple originel: « Lilith quitta Adam parce qu’elle n’avait pas envie de se coucher sous lui lors des rapports conjugaux: elle se sentait son égale » (recueil de légendes rabbiniques Bereshit Rabba compilé autour du V ème siècle). C’est donc la revendication égalitaire et le refus d’une soumission, symbolisée dans le texte par la soumission sexuelle, qui aurait conduit Dieu à laisser Lilith s’émanciper du récit et à créer une seconde femme plus docile. (Ève) (..) Les deux femmes de la Genèse opposent ainsi une figure maternelle à un féminin tentateur. »
Nous pouvons ajouter qu’elle est condamnée par Dieu à voir mourir ses enfants à la naissance. Elle a aussi le pouvoir de tuer tous les autres enfants à la naissance ou dans leurs premiers jours. Pur esprit du Mal, elle se venge en devenant le serpent qui tente Ève. Personnage démoniaque, on lui prête toutes les horreurs ou presque. Grande leçon pour les femmes: soit elles se soumettent, se contentent de leur maternité, soit elles se libèrent et n’ont de choix que de pactiser avec le démon. Toute femme puissante incarne le Mal. Ou le mâle? L’angoisse de castration de l’homme ne peut s’apaiser qu’avec une femme soumise; gare aux autres!